Comprendre comment un groupe de personnes se représente une problématique revêt d’intérêts multiples. Dans le contexte de la recherche de solutions face à des situations complexes ou ambiguës, comment s’assurer que les acteurs concernés développent une compréhension commune sur les enjeux avec lesquels ils sont aux prises ? Dans un monde où la complexité des enjeux est croissante, et où le besoin d’approches interdisciplinaires et d’action intersectorielle est largement reconnu, comprendre les multiples visions et rassembler pour construire une vision commune est essentiel. Qu’il s’agisse de mieux appréhender les stéréotypes sociaux qui nuisent à la prévention de maladies ou à l’accès aux soins des personnes, ou à synthétiser différentes perspectives sur le développement urbain et la perte des milieux naturels, les enjeux et les visions multiples ne manquent pas. Parmi les méthodes qui permettent d’appréhender cet exercice, on compte notamment la cartographie conceptuelle (Concept mapping ou Group concept mapping)
La cartographie conceptuelle à laquelle nous faisons référence ici est celle développée par Trochim (1989) dans le domaine de l’évaluation et de la planification de programme. L’objectif de cette méthode est d’amener un groupe d’individus à visualiser leur compréhension collective d’un enjeu. Il s’agit d’une méthode mixte combinant des activités d’idéation, de tri libre et d’évaluation des idées à une analyse statistique multivariée. Ultimement, elle permet de générer différentes visualisations, notamment la carte conceptuelle, qui illustre les enjeux identifiés et fait émerger des thèmes structurants, permettant de synthétiser la vision commune et envisager le développement de solutions1.
Pour les organisateurs d’un exercice de cartographie conceptuelle, l’objectif est d’obtenir une représentation visuelle de la représentation que se fait un ensemble d’individus d’une problématique donnée. La première étape consiste à définir une question cible permettant de colliger le matériel d’intérêt (p. ex. quels sont les stéréotypes associés à la dépression). Selon la nature du projet, cette question peut être développée par le chercheur, par le mandataire du projet ou en collaboration avec un groupe qui représente les répondants. Lors de la deuxième étape, les répondants sont invités à donner individuellement des éléments de réponse à la question (p. ex. la dépression est uniquement déterminée par les circonstances de la vie). Une fois cette collecte d’idées terminée, celles-ci sont tout d’abord nettoyées (correction orthographique, séparation de propositions contenant deux idées en deux idées distinctes, suppression des idées non valables) pour ensuite former un sous-échantillon représentatif des idées initiales retenant généralement autour de 40 à 50 items.
La troisième étape inclut une tâche de tri libre et une de cotation. Chaque participant doit regrouper les idées qu’il juge conceptuellement proches (p. ex. les antidépresseurs changent la personnalité & les antidépresseurs doivent être pris toute la vie), puis coter chaque idée selon des critères préalablement établis (p. ex. les caractères nuisibles et répandus de chaque stéréotype). Les données qui sont générées lors de l’étape de tri sont représentées sous forme d’une matrice de similarité d’une taille de n par n où n représente le nombre total d’idées soumises au tri. Chaque case dans la matrice de similarité indique le nombre de fois que deux idées ont été groupées par l’ensemble des participants.
La quatrième étape consiste à générer la carte conceptuelle en couplant deux méthodes : un partitionnement des idées cluster analysis et une réduction de la dimensionnalité (dimensionality reduction). La première permet de délimiter des partitions d’idées (cluster), étant conceptuellement proche selon un nombre conséquent de répondants — la deuxième mène à une projection des idées dans un espace bidimensionnel. C’est cette projection des partitions dans l’espace bidimensionnel est-ce que l’on appelle la carte conceptuelle. La détermination du nombre de partitions dans la carte finale se fait à l’aide d’indices de qualité (Halkidi et al., 2001) et de la compréhension théorique de l’analyste sur la problématique2.
La dernière étape concerne l’interprétation de la carte. Un processus inductif est utilisé pour que les participants nomment les agrégats, et tracent éventuellement des axes structurants pour faciliter l’interprétation. Les agrégats seront considérés comme des concepts généraux constituant la représentation collective que se fait le groupe de la problématique (voir fig. 1). La cartographie conceptuelle se distingue ainsi d’autres formes d’analyses, où ce sont généralement les personnes responsables de la recherche qui déterminent elles-mêmes les noms des agrégats et des axes structurants.
Parallèlement à la carte conceptuelle, les participants peuvent également évaluer chaque idée selon des critères préalablement établis (p. ex. sur une échelle de 1 à 10, à quel point les stéréotypes sont nuisibles et répandus. À partir de ces côtes, les idées seront projetées sur un diagramme de dispersion (GoZone) dont les axes représentent les critères. Ceci permet de qualifier les idées, mais également les partitions, selon les critères retenus (voir fig. 2).
Cette méthode mixte est souvent utilisée en recherche participative et lors de l’évaluation et la planification de programmes. Au sein de Polygon, nous avons apporté des améliorations à cette méthode et les projets sur lesquels nous avons travaillé vous donneront également un aperçu des possibilités multiples qu’offre le CM*.
Notes :
Bibliographie :
Recherche participative
Méthode de recherche
Intelligence collective
Focus group
Delphi